Ce matin, je me bois mon café tranquillement, j’allume ma première cigarette, je vais me doucher, j’allume mon PC et ma deuxième cigarette. Petit rituel quotidien avant d’entamer ma balade blogosphérique comme d’autres vont jogger, nager, badmintonner, coucher, seul-e ou à deux, se recoucher enfin à chacun son truc, il y en a même qui vont travailler !!! Il y a bien sûr deux ou trois blogs que je préfère, des écritures qui font du bien, qui recadrent, qui m’obligent à ne pas tenir compte des nuages qui passent dans le ciel avant de débouler dans mes neurones déjà exténués par les infos pourries « dégueu » de meurtriers en série, de carnage sous les bombes, de corps torturés, de contrats en passe d’être signés sur le dos des droits de l’humanité, des hurleurs qu’ils ont faim, des branleurs qui s’augmentent sans fin, des gamines excisées, des tortionnaires avisés, des chauffards bourrés et criminels, des politicards avec leurs têtes de polichinelles bref : infos du matin, journée besoin d’une vidange, blogs et textes malins, journée supercarburant. J’ai trouvé le juste équilibre.
Mais voilà que je m’arrête sur un texte. On peut y lire les bienfaits de la pause tabac pour l’auteure qui n’ennuie personne avec soap moral et ou autres pénibilités du genre, non rien de tout ça, juste deux petites-grandes choses qui la concerne. Et là, à cette lecture-là, je m’interroge sur ce que peuvent bien penser mes poumons, et soyons charitables ceux des autres, depuis des années que je leur fait endurer ma première cigarette du matin puis ses petites sœurs. Parce qu’il faut bien l’admettre, le centre du plaisir là, bien traqué par dame nicotine qui s’en vient, clopinant du rond de fumée l’air de pas y toucher, le centre du plaisir donc est ainsi très content que je lui envoie sa dose quotidienne, que dis-je, sa dose horaire pour qu’il se sente exister en toute légitimité ! Et que deviendrais-je sans mon centre du plaisir, celui la précisément dont je parle, pas un autre, celui qui me tient les synapses survoltées, tu sais THE clope qui te donne l’air malin, qui t’occupe l’index et le majeur dans une gymnastique rythmique. Hop un petit coup dans le cendrier, hop un beau mouvement de danseuse étoilée vers la bouche, rehop, l’air sage et concentré sur un sujet de société ! Tu peux me dire ce que je ferais de toute cette gestuelle travaillée avec plus ou moins de soin pendant des années ?
Et le plaisir malin-malsain de toutes ces bribes de choses qui pénètrent avec délectation dans mon système veineux, ces appellations incroyables qui te tétanisent le cerveau quand tu les as sous les yeux et qui sont dignes d’un inventaire à la Prévert : Acroléine, Acéthadéïde, chlorure de méthyl, formol, méthanol, arsenic, cyanure d’hydrogène, nicotine, phénol, monoxyde de carbone et j’en passe, il y en a 4000. Tout ça rien que pour moi, pour un effet bienfaisant pour mes nerfs. Petites cigarettes qui maintiennent ma santé précaire j’en conviens mais oh combien pas plus malsaine que toutes les pourritures sociales et politiques, sociétales et économiques citées plus haut.
De plus, je la joue un peu hypocrite : brossage de dents trois fois par jour donc non je n’ai pas la bouche qui expire le cendrier plein ; lavage quotidien de cheveux qui fait que si tu te perds dans ma toison, ça sent bon l’eucalyptus, la pomme et l’olivier ; les vêtements comme le reste, toujours aérés, tu vois bien que je ne t’oblige pas à me supporter comme si tu habitais à côté des usines de la Hague ou pire ailleurs parce qu’il y a toujours pire, saches le, admets le et arrête de te plaindre !
Alors ? mhmmmmm qu’est-ce qu’on dit ? Mais non lecteur on ne dit pas merci à l’industrie du tabac, même si fumer génère de l’emploi ! Non on ne dit pas non plus merci au buraliste qui a des angoisses à l’idée que tu puisses t’arrêter ! Non on ne dit pas merci à la gentille tabacologue qui te prendra dans un an si tu veux un rendez-vous en urgence !
On dit : je fume !! Je sais ce n’est pas bien, je sais c’est nul mais j’assume, je fume ! Alors lecteur lectrice ex fumeur-se ou enfumé-e, je te dédie ces quelques volutes d’idées non pas pour que tu regrettes cette compagne fidèle, simplement en empathie avec toi si l’arrêt cigarette peut être synonyme de joie et de bonne humeur. Quant à moi, je vais continuer ma balade en m’en grillant une, bêtement mais plaisamment.
Et dire que j’ai arrêté de puis octobre 2018 ! Oui mais voilà, une petite occasionnellement, juste pour le plaisir et aucune envie de racheter un paquet.
J’ai gagné la guerre ma vieille copine ! Et peu importe l’avis de la bonne société qui s’évertue à me féliciter, je t’aime suffisamment bien pour te dire bonjour de temps en temps…
Jacques Higelin – Cigarette